Le plan mobilité du Haut Adige : une source d’inspiration pour l’Artois ?
[Note du Pôle Métropolitain de l’Artois : cet article a été produit par le média Territoires Audacieux qui a accompagné le Club des élus de l’écotransition tout au long de son voyage d’études dans le Haut-Adige, qui s’est déroulé du 2 au 7 mai 2024]
Le Haut-Adige, région très touristique et très montagneuse, est inondée par la voiture. Selon son gouvernement, elle est même la région d’Europe comptant le plus de voitures par nombre d’habitants. Or, le service de la transition écologique étant placé au-dessus de tous les autres départements du gouvernement, l’heure est au changement. C’est ainsi que la province du Haut-Adige a lancé son Plan de mobilités durables 2035.
Le développement du ferroviaire, la digitalisation comme outil d’endiguement du trafic routier, la mobilisation citoyenne : autant de leviers à exploiter pour aller vers la mobilité décarbonée. Focus.
“Du pneu aux rails”. En Haut-Adige, la priorité réside dans le développement du train. Michael Andergassen, responsable du plan mobilités de Bolzano donne la marche à suivre : “L’objectif le plus important pour nous est de renforcer notre offre ferroviaire.” Pour le moment, la capacité des lignes de train du Haut-Adige est déjà utilisée à son plein potentiel. Cela signifie que le gouvernement doit préparer la réouverture de lignes, la construction ou la réhabilitation d’itinéraires déjà existants.
La province peut d’ores et déjà s’inspirer d’une décision prise sur le territoire en 2005. “Dès la réouverture de la ligne Malles – Merano en 2005, nous avons immédiatement constaté un basculement du pneu vers les rails.” Fermée pendant près de 20 ans car considérée comme peu utile, la jonction entre Malles et Merano a fait l’objet d’une campagne de rénovation avant d’être remise en service. Cette décision, visiblement bénéfique à l’accroissement de la pratique du train, a été renforcée par le passage à l’électrique de ses trains.
Attention tout de même aux conséquences du développement du trafic ferroviaire. La région étant faite de montagnes, de vignobles et de paysages précieux, un bon nombre d’habitants et d’acteurs locaux craignent que de nouveaux rails dénaturent leur territoire. Le dialogue doit être instauré, notamment pour expliquer aux citoyens l’intérêt de rénover les chemins de fer pour améliorer les dessertes entre les villes importantes du Haut-Adige.
Depuis plus de 10 ans, la province a pris la décision de développer la part de véhicules à hydrogène dans sa flotte de transports en commun. Aujourd’hui, ce sont 30 bus à hydrogène et neutres en émission de gaz à effets de serre qui arpentent les routes du territoire. Le territoire, muni d’une importante ressource en eau, produit 100% de son énergie hydrogénique en circuit local. Autre avantage : la rapidité du réapprovisionnement en hydrogène, comparable à celle des véhicules thermiques et bien plus efficace que la recharge électrique.
Une autonomie qui n’efface ni le prix très élevé de la production d’hydrogène vert, ni l’incertitude quant aux moyens à privilégier pour assurer l’alimentation en énergie des bus. “Nous ne savons pas encore quelle solution sera la plus efficace à terme pour les transports en commun. C’est pourquoi nous investissons à la fois dans les bus à hydrogène et dans les bus électriques.”
Soumis au caractère très montagneux des zones périurbaines, les bus électriques ont du mal à fonctionner efficacement lors des périodes de froid hivernal. La clé de la gestion durable des mobilités publiques reste donc à polir, toujours dans “le but premier de décarboner le trafic routier en Haut-Adige”.
Digitaliser pour gagner en efficacité
Les transports en commun sont un élément majeur de la lutte contre le trafic routier carboné. En Haut-Adige, le gouvernement vise à “rendre l’utilisation des transports en commun aussi simple que celle de la voiture” pointe Michael Andergassen. Pour ce faire, la numérisation des pratiques est prônée. D’abord via une application mobile permettant de stocker et valider des tickets en ligne. Puis par l’installation progressive de bornes de paiement direct par carte bancaire dans les véhicules publics.
Le digital peut aussi aider à améliorer les performances du trafic routier. Première piste testée par la province de Bolzano : des logiciels d’analyse statistique sur l’autoroute A22. Celle qu’on surnomme le Corridor de Brenner est empruntée par plus de 14 millions de véhicules chaque année.
Alors pour endiguer les risques de bouchon, les outils numériques contrôlent la densité de la circulation autoroutière. Plus le trafic est garni, plus le passage au péage coûte cher. Plus la route est vide, plus le prix baisse. Une astuce déjà pratiquée en France, notamment sur l’A14 et sur l’A1, avec des tarifs vert ou rouge.
Cette mesure est couplée à la création d’une application dédiées aux camions de fret. Ceux-ci sont présents en grand nombre sur le corridor de Brenner, véritable point stratégique de la route reliant le Danemark et le nord de l’Allemagne au sud de l’Italie. Ainsi, les chauffeurs de poids lourds peuvent réserver leur place sur le réseau autoroutier du Haut-Adige afin de bénéficier d’un trafic plus fluide.
Accompagner la population vers les déplacements doux
Comment encourager les citoyens à opter pour les déplacements moins émetteurs de CO2 (transports en commun, vélo, marche) ? Le premier des deux outils est l’incitation par le prix. Le pass Süd-Tyrol (nom allemand du Haut-Adige) est gratuit pour les enfants, à 150€ annuels pour les étudiants et est plafonné à 600€ pour les adultes. Mais ce dernier chiffre peut diminuer car un tarif dégressif est mis en place selon le nombre de km parcourus en transports en commun.
Le deuxième argument vise à renforcer la sécurité des cyclistes. Auparavant, les deux-roues étaient considérés comme des véhicules dédiés aux touristes. En 2022, la province a lancé un plan visant à faciliter les déplacements des travailleurs locaux, à Bolzano et dans les petites villes alentour. Des voies cyclables se développent pour les navetteurs. Dans le centre de Bolzano, c’est un étage entier d’un grand parking à trois niveaux qui a été réservé uniquement aux vélos. Un moyen de lutter contre la peur de se faire voler son vélo, qui constitue l’un des principaux freins à la pratique cycliste.
La province et certaines de ses villes tiennent à sensibiliser et mobiliser leur population autour des objectifs de déplacements doux. La commune de Caldaro tente d’entraîner ses quelque 8 500 habitants dans la vague du vélo. D’un concours de la plus belle photo prise à vélo dans Caldaro à des ateliers vidéos avec des écoliers sur la manière de réparer une crevaison, les supports de communication constituent un atout.
Car les jeunes font figure de relais auprès des parents. La commune invite ainsi les enfants à aller à l’école en vélo et elle a même créé une application ludique pour amener les jeunes à pédaler davantage. Ils enregistrent les km parcourus en vélo ou à pied et peuvent ensuite voir l’équivalent de CO2 qu’ils ont évité d’émettre. En 2023, 58 000 km y ont été référencés, soit un total de plus de 10 300 kg de CO2 économisés.
Les efforts sont réels, les trajectoires commencent à être épousées et quelques résultats pointent leur nez à la fenêtre. Il n’en reste pas moins que le Haut-Adige dispose encore d’une large marge pour réussir son virage vers les déplacements doux.
Valentin Nonorgue – Territoires Audacieux